Gbagbo à sa résidence surveillée de Korhogo |
Le président renversé, Laurent Gbagbo, a pris deux importantes décisions, le mardi 26 mai 2011. Depuis sa résidence surveillée de Korhogo (chef-lieu de la région des Savanes, fief du nouveau chef de l’Etat Alassane Ouattara, 700 km d’Abidjan au Nord de la Côte d’Ivoire), l’homme qui a dirigé le pays d’octobre 2000 à avril 2011 a procédé à deux nominations. La première concerne maître Géraldine Odéhouri. Cette avocate est reconduite et confirmée dans son rôle de Conseil juridique. Elle a été officiellement portée au devant l’actualité lorsqu’elle encadrait les activités juridiques de La Majorité présidentielle (LMP), la coalition de la dizaine de partis politiques et de groupements associatifs qui a soutenu la candidature de Laurent Gbagbo à la présidentielle de 2010. En réalité, elle a toujours été le Conseil juridique du président ivoirien. Le 26 mai donc, le chef de l’Etat renversé lui a renouvelé officiellement sa confiance. Désormais, c’est Me Géraldine Odéhouri qui organisera le collectif de tous les avocats qui, volontairement, à travers le monde entier, manifestent leurs intentions et leur impatience d’être cooptés et autorisés à défendre le président militairement vaincu par le gouvernement français en Côte d’Ivoire.
Cette « nomination » a le mérite de soulager la famille biologique du président Gbagbo, à commencer par Mme Marie-Antoinette Singleton, sa fille qui vit aux Etats-Unis. Cette dame a été contrainte à se débattre comme un beau diable, face à la barbarie canonnière qui a entrainé le renversement du pouvoir ivoirien et l’entrée en clandestinité du FPI, pour trouver un collectif d’avocats pour son père arrêté et menacé de jugement. La décision du président Gbagbo de confier l’organisation de la défense de ses droits à Géraldine Odéhouri est de nature à clarifier les choses et à mettre à leur aise les militants du Front populaire ivoirien (FPI, le parti qu’il a fondé dans la clandestinité en 1982). Elle est susceptible de rassurer tous les Ivoiriens, les démocrates et les panafricanistes. Tous commençaient à s’interroger sur la qualité de l’organisation de la défense du président déchu, surtout que des rumeurs de conflits entre collectifs ou organisateurs de collectifs d’avocats chargés de sa défense se faisaient jour dans l’hexagone. Tous s’inquiétaient. Laurent Gbagbo a dirigé avec dignité et droiture, pendant dix ans, la Côte d’Ivoire coupée en deux par une rébellion adoubée par le gouvernement français pour l’empêcher de travailler. Or, voilà qu’un tel président, une fois renversé, ne semblait trouver de recours que dans sa propre famille biologique. « Non, cela doit changer. Mme Singleton doit être louée pour sa détermination, mais Gbagbo n’appartient plus à sa famille biologique. Il appartient à toute la Côte d’Ivoire, à toute l’Afrique et au monde entier. Il appartient donc au monde entier d’être au devant de sa défense contre l’Occident… ». Même coupé de toute relation avec ses partisans et défenseurs, depuis sa détention qui ne dit pas son nom à Korhogo, le président Gbagbo semble avoir détecté les plaintes de ses partisans avec lesquels la complicité semble intacte. Il a désigné son Conseil juridique, Géraldine Odéhouri, pour remettre tout à plat.
La seconde nomination concerne M. Justin Koné Katina. Son ministre du budget jusqu’au 11 avril, Koné Katina est depuis le 26 mai désigné comme le porte-parole officiel du président Laurent Gbagbo. L’homme est hors de la Côte d’Ivoire depuis la chute du chef de l’Etat ivoirien, mais il semble que de son exil forcé, il a déjà posé des actes discrets mais efficaces que le président Gbagbo aurait hautement appréciés. Désormais, Koné Katina portera sa parole. Dans ses nouvelles charges, ce natif de Katiola (45 km au Nord de Bouaké, centre du pays) se serait entouré d’autres compétences. C’est en tout cas le cas de Bernard Houdin qui a signé, au nom du nouveau porte-parole, la première déclaration du président Gbagbo le 30 mai 2011 (« Gbagbo parle aux Ivoiriens », Notre Voie 3852 du 1er juin 2011, page 2). Ce Conseiller français du président ivoirien renversé est l’un des rares « Blancs » qui savent lire dans les pensées de Laurent Gbagbo.
« Laissez ça, je suis bien là où je suis ! »
Le président ivoirien vit en résidence surveillée à Korhogo. Sa détention, selon les informations qui nous parviennent, ressemble plutôt à un isolement digne de l’époque d’avant la « glassnot » en URSS. Le président renversé serait coupé de tout. Il n’a pour seul compagnon que Docteur Christophe Blé, son médecin personnel depuis 1990. Depuis le 13 avril et ce, jusqu’à une date récente, il n’aurait reçu que trois coups de fil, l’un de son épouse Simone Gbagbo, l’autre de sa fille Marie-Antoinette Singleton qui vit aux Etats-Unis ; et le dernier appel téléphonique a été celui de…Alassane Ouattara. Le bénéficiaire du coup d’Etat français du 11 avril a appelé le président renversé pour lui annoncer l’arrivée à Korhogo des Elders, Koffi Annan, Desmond Tutu et Mary Robinson (voir « ce que Gbagbo a dit à Annan ») pour le rencontrer.
Laurent Gbagbo n’aurait même pas accès aux informations de son pays. Les journaux édités en Côte d’Ivoire lui seraient interdits. C’est à l’occasion des rares visites qui lui ont été autorisées qu’il a pu voir la couleur et des titres de certains journaux. On raconte que, récemment, un de ses avocats est allé le rencontrer avec un numéro du journal Notre Voie en main. « Quoi, ce journal est sur le marché ? » aurait demandé le président Gbagbo déjà informé que le siège du quotidien dont il est l’inspirateur est devenu un camp militaire depuis sa chute et que tout le matériel de travail y a été pillé, cassé, volé ou incendié. « Comment font-ils pour paraitre ? ». L’homme aurait posé la dernière question sans vraiment y attendre de réponse.
Malgré ces conditions de détention draconiennes, « le président Gbagbo conserve son humour et sa bonne humeur. Il n’est nullement stressé. Il est en bonne forme et serein. En fait, il donne l’impression qu’il savait que ses adversaires ne peuvent avoir aucun sentiment, aucune humanité pour lui. Il semble plutôt préparé à endurer tout ce qui lui est infligé », nous a rapporté un des avocats qui a eu accès à lui. Pourtant, le nouveau pouvoir avait fait courir, à travers ses journaux, les rumeurs selon lesquels le président serait déprimé et aurait tenté de mettre fin à sa vie. « Ecoutez, peut-être que ceux qui ont renversé Laurent Gbagbo ont nourri l’ambition de l’assassiner et cela peut expliquer ce banc d’essai médiatique. Mais je peux vous certifier que le suicide ne fait pas partie des désirs immédiats ou lointains de l’homme d’Etat avec qui j’ai discuté », coupe sec un autre avocat.
Tous ces hommes et femmes de loi qui ont été autorisés à rencontrer le président renversé pour organiser sa défense sont formels : « Laurent Gbagbo semble plutôt terriblement souffrir pour l’humiliation infligée aux Ivoiriens et à son pays par le gouvernement français. Il continue de s’interroger sur les vrais fondements de la guerre que le gouvernement français a faite sans la déclarer officiellement à son pays. Il semble avoir sa petite idée de ce qui se passe, donne l’impression de savoir ce qui peut se passer mais n’en dit rien. Chaque fois que nous avons voulu nous plaindre de ses conditions de détention, il nous a coupés net en disant, avec le tic qu’on lui connaît : ‘’Laissez ça, je suis bien là où je suis !’’. Non, Laurent Gbagbo va bien, il est serein », rassurent les avocats. Qui affirment que le président renversé lit beaucoup et que la Sainte Bible ferait partie de ses principaux centres d’intérêts.
Laurent Gbagbo a été renversé le 11 avril 2011. Sa résidence a été bombardée toute la nuit du dimanche 10 à ce lundi tragique par des hélicoptères de guerre français et onusiens, les Mi 24. Son épouse, Simone Ehivet Gbagbo, député à l’Assemblée nationale, présidente du Groupe parlementaire FPI et lui, ont été arrêtés en compagnie de 116 autres collaborateurs et remis aux chefs de guerre de l’armée privée d’Alassane Ouattara, la rébellion qui a coupé le pays en deux à partir de septembre 2002. Après deux jours au Golf Hôtel, QG du nouveau président déclaré élu par la communauté internationale, Laurent Gbagbo a été transféré à Korhogo où il est sensé vivre en résidence surveillée sous la protection des soldats de l’ONU. Son éviction est intervenu suite à un conflit postélectoral sanglant, son adversaire, Alassane Ouattara, et lui réclamant chacun la victoire finale au deuxième tour de la présidentielle ivoirienne du 28 novembre 2010. Laurent Gbagbo avait invité au recomptage des voix pour dénouer la crise, en soixante douze heures au maximum. La communauté internationale conduite par le gouvernement français a préféré la guerre au recomptage des voix pour restituer la vérité des urnes et permettre aux Ivoiriens de basculer entièrement dans le camp du vainqueur. Cette guerre absurde a fait, selon, Alassane Ouattara, protégé de la France et de ses alliés, 3.000 morts ! Enfermé à Korhogo, le président vaincu par les armes attend le procès pour « crimes contre l’humanité et délits économiques » que lui promet le nouveau président, lui-même rattrapé et sali par les massacres sans nom, passés et en cours d’exécution de nos jours par sa rébellion armée. Révélations des rapports des organisations internationales de défense des droits de l’Homme.
Source Notre Voie
(Ndrl: Le titre est de la rédaction)
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